Utopia - Ariane Loze

Utopia – Ariane Loze

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Utopia, le titre de l’exposition d’Ariane Loze à 40mcube, recouvre deux films : Utopia et Mainstream. Basés sur le même principe de réalisation, l’artiste y incarne plusieurs personnages et plusieurs voix qui se font entendre à tour de rôle.

Le premier est filmé dans un environnement architectural épuré d’un bleu de sérénité que l’artiste arpente, seule, habillée d’un jaune qui produit un contraste lumineux [1]. Dans cet espace beau mais désespérément vide, son texte résonne comme un discours au ton prophétique qui se meut en échange entre plusieurs personnages supposés réunis dans cette agora contemporaine, et que l’on distingue par un changement de coiffure, un accent, une intonation. Il y est question de démocratie, de besoins vitaux, de représentation collective, de bien commun, de différence, de changer les choses, de sortir d’un moule, et enfin : d’imaginer une utopie.

Le film s’éteint et sur le mur gauche de l’espace d’exposition apparaît la première image de Mainstream [2]. Plus sombre, dans des ton ocres et gris, celui-ci prend place dans un dîner où plusieurs personnes prennent tour à tour la parole dans une conversation qui ressemble davantage à une succession de monologues entremêlés qu’à un véritable échange. Là aussi, tout un vocabulaire se déploie, ponctué de chiffres et de termes anglais dans des affirmations pleines de certitudes, sur un ton de conseil qui prend des tournures d’injonctions. Il s’agit de manager une équipe, de réussite, de stratégie pour y parvenir, de régime de vie pour survivre à la pression. Quelques rares éléments permettent d’identifier une activité qui découlerait de ce langage comme l’élevage de canards ou la culture. Les personnages se modifient subtilement au fur et à mesure du déroulement du film, leurs vêtements évoluent, leur attitude aussi et le discours d’un cynisme éclatant se termine sur l’acceptation toute libérale de la disparition même du patron. Apparaissant comme une lueur d’espoir, cette dernière idée ouvre la voie à Utopia, qui reprend la main en démarrant à nouveau sur le mur principal de l’espace d’exposition.

Ainsi dans la réunion et la mise en boucle de ces deux films, qui trouvent leur propre place et leur propre temps dans un espace commun, se figent deux opposés qui ne sont que le reflet de la cohabitation de différents mondes. Les deux langages extraits de tout contexte deviennent métalangages et résonnent d’autant plus puissamment que nous les observons aujourd’hui par le prisme de la crise sanitaire et sociale que nous vivons.

Sans manichéisme, le choix de nommer l’exposition Utopia plutôt que Mainstream pointe cependant un désir de privilégier des valeurs collectives et démocratiques, même si ce discours peut apparaitre dans notre société d’une désincarnation criante.

[1] Emprunté à l’anglais, le terme mainstream désigne les idées, les comportements ou les activités qui sont considérés comme dominants et partagés par la plupart des gens.
[2] Utopia a été tourné dans l’installation Eurotopie de Traumnovelle et Roxane Le Grelle, présentée dans le pavillon belge à la biennale d’architecture de Venise en 2018.

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