Ruta Jusionyte : "la part secrète de l'être"

Ruta Jusionyte : “la part secrète de l’être”

Contacter l'organisateur

Ruta Jusionyte (née en 1978) sculpte les corps de ses personnages en modelant à partir de petits morceaux de terre assemblés. Ils gardent ensuite l’empreinte du geste de l’artiste, et conservent les marques de superposition des plaques de terre comme des cicatrices, et parfois aussi des trous, comme des blessures. L’artiste termine ses personnages par les yeux, « le regard c’est un point final, tout autant qu’une ouverture » dit-elle. De la nudité de ces corps, presqu’enfantine, se dégage une grande émotion.

Certaines de ses œuvres touchent au plus intime et nous renvoient au cœur de notre sensibilité. L’enfant, petit et fragile, apparaît de façon récurrente : dans les bras ou sur les genoux d’un père ou d’une mère, cette présence qui marque l’iconographie du Moyen-âge. Les animaux aussi, ici un lapin, là un âne, un loup, sont omniprésents et toujours dans un rapport intime avec l’homme ou la femme. Ce sont des protecteurs ou des complices. Des êtres mythologiques (sirène, minotaure) ou fantastiques (dragon) hantent aussi l’univers de l’artiste lituanienne : « J’aime travailler les ambiguïtés, les mutations, les hybridations. Mon univers est imprégné de références aux fables, aux mythes et à la psychologie… »

« Qui sont ces personnages charismatiques mi-homme, mi-animal ? Qui sont ces frêles silhouettes humaines au visage sans âge ? En couples ou solitaires, les êtres de Ruta Jusionyte semblent sortir des affres de la mythologie grecque ou d’une fable nordique. Tous appartiennent à une même tribu échappée des pages d’un récit qui auraient traversé le temps.

Lorsque Ruta Jusionyte entreprend la naissance d’une nouvelle pièce sculpturale, elle commence toujours par pétrir la matière, sans aucune esquisse préparatoire, et lui donne la forme de pieds. Vient ensuite le modelage des jambes, des hanches, du buste, des bras, du cou et enfin de la tête, parfois animale, parfois humaine. Du bas vers le haut, de la terre au ciel, l’artiste accouche progressivement de ses mains d’un corps élancé, avant de conclure par le travail des yeux – touche finale à toute création. Ce regard, toujours le même qu’importe le reste, qu’importe le geste, est grand ouvert sur le monde. Il n’est ni médusé, ni pétrifié, mais contemple sereinement un univers imaginaire, peut-être intérieur, comme le suggère la profondeur des iris creusés en cuvette. La bouche fermée renforce cette idée, celle d’une parole qui ne s’extériorise pas pour laisser la pensée triompher. »

Anne-Laure Peressin
Critique d’art

Identifiez-vous Créez un compte

Vos informations ne seront pas vendues. Notre politique de confidentialité.

 

×
Créez un compte Vous avez déjà un compte ?

 
×
Vous avez oublié mot de passe et/ou identifiant ?
×

Go up