Émilie Pauly

Artiste peintre.
Membre de la fondation Taylor.

Peintre singulière à la facture classique, je compose des paysages lumineux habités par un bestiaire imaginaire.

GENÈSE D’UNE DÉMARCHE

Il n’y a pas eu de révélation soudaine, pas de bouleversement fracassant. Mon parcours vers la peinture s’est construit en silence, en profondeur, et dans la durée, comme une nécessité intime qui s’est imposée au fil du temps.

Cet engagement a été précédé d’une longue immersion dans les techniques picturales et l’histoire de l’art : des mois d’études autodidactes, nourries de lectures, d’analyses et d’observations attentives. Bien qu’indépendante, ma démarche d’apprentissage n’a rien d’un dilettantisme : elle traduit la volonté de maîtriser les moyens pour mieux donner chair à l’imaginaire.

Je peins lentement, avec une attention extrême portée à chaque détail. Ma démarche ne part ni d’un thème ni d’un message que je voudrais transmettre, mais du dessin : depuis plus de dix ans, je construis un bestiaire personnel d’êtres hybrides, nés d’un geste automatique que je corrige et affine, jusqu’à ce que des personnages singuliers apparaissent.

Ce bestiaire, véritable réservoir de présences, est le socle de mon travail pictural : j’y puise des affinités de forme, d’émotion ou de mouvement. J’associe des figures comme on réunit des voix pour chanter dans un chœur. Puis j’invente un paysage, une ambiance, une situation. C’est à ce moment seulement que l’œuvre commence à exister comme tableau.

Au premier regard, lorsqu’on les contemple à distance, mes toiles présentent des paysages lumineux, souvent traversés par l’intensité lyrique du Romantisme ou la délicatesse chromatique de l’Impressionnisme. Mais l’œil qui s’approche découvre bientôt la multitude de créatures chimériques qui peuplent ces espaces naturels. Ce basculement du familier au merveilleux, où le réel s’avère porteur de rêve, constitue l’un des axes majeurs de mon travail artistique.

En outre, si je n’entreprends jamais un tableau pour illustrer une idée, chaque œuvre, une fois achevée, se révèle chargée de significations multiples. Je découvre souvent après coup ces sens insoupçonnés, comme si le geste avait précédé la pensée. Cette découverte a posteriori est au cœur de ma démarche : mes créatures et mes paysages ne transmettent pas de message prémédité mais ils recèlent un potentiel évocateur que chacun est libre d’explorer.

UNE MÉMOIRE FONDATRICE : LE MYSTÈRE COMME PROMESSE

Enfant, j’aimais entendre mon grand-père me confier : « Dans la vie, il y a des mystères… ». Cette révélation, volontairement suspendue, offerte à mon esprit d’enfant comme une porte entrouverte sur la magie du monde, a fait naître en moi un goût pour l’énigme, vécue non comme une menace mais comme une promesse d’émerveillement.

Aujourd’hui, ma peinture prolonge cette intuition : elle aborde le mystérieux de manière douce. L’étrangeté qui s’y glisse parfois n’est jamais inquiétante car toujours tempérée par la lumière, la délicatesse des formes et l’harmonie des couleurs. Je ne cherche pas à susciter l’angoisse mais à ouvrir un espace de quiétude, où l’inconnu devient source de ravissement.

UNE PEINTURE POLYSÉMIQUE, QUI LAISSE PLACE À L’INTERPRÉTATION ET ACCUEILLE LA SUBJECTIVITÉ DU SPECTATEUR

Linguiste de formation, j’aime jouer avec la polysémie des images comme le poète joue avec celle des mots. Les chimères qui peuplent mes tableaux – mi-végétales, mi-animales, mi-humaines parfois – ont de multiples visages. Chacun y verra ce qu’il voudra : un arbre ou une femme, une branche ou un oiseau, une fleur ou une danseuse... De même, les motifs auxquels je recours sont polysémiques. Ainsi, un temple englouti pourra évoquer la nostalgie, le mystère ou encore une quête spirituelle, selon le regard porté par chacun. L’art n’a de sens que s’il peut être partagé. Et pour être partagé, il doit accueillir la subjectivité du spectateur.

Loin d’être réservé à une élite, l’art est notre bien commun. Si le langage humain – dont la complexité n’a pas d’équivalent connu dans la nature – fait de nous des êtres à part au sein du règne animal, c’est peut-être l’art qui nous définit le plus profondément. Car si nous partageons avec d’autres êtres vivants la capacité de communiquer, aucun ne partage avec nous le besoin de mettre en poésie les mots, les sons, les images : c’est ce geste gratuit, qui vise à libérer les expressions de leur fonction purement utilitaire, pour les transformer en autant d’expériences esthétiques, que j’appelle poésie (ou art). Les deux termes sont synonymes dans mon discours. J’emploie indifféremment l’un pour l’autre. La poésie, l’art, nous distinguent en même temps qu’ils nous rassemblent, et ils utilisent, pour s’exprimer, différents canaux. J’ai choisi la peinture. Une peinture résolument onirique, qui veut s’adresser à tous parce que l’art est l’affaire de tous.

Aussi les mondes que je peins ne s’inscrivent-ils pas dans un contexte géographique, historique ou social connu. Ils se déploient dans des espaces atemporels, utopiques, où chacun, d’où qu’il vienne, peut reconnaître une part de lui-même. Mes univers échappent ainsi à toute lecture imposée ou univoque. Certaines figures réapparaissent d’un tableau à l’autre, comme les fragments d’une mythologie intérieure, mais je ne cherche pas à construire une intrigue. Loin de servir un récit prédéfini, mes œuvres invitent le spectateur à l’inventer.

Cette ouverture à la pluralité des regards est indissociable de ma manière de créer : nées d’un geste spontané, mes figures conservent une part d’indétermination qui permet à chaque spectateur de se raconter sa propre histoire.

Chaque tableau est ainsi le fruit d’un long va-et-vient entre élan créatif et maîtrise. La pratique régulière du dessin automatique me permet d’enrichir constamment mon bestiaire de figures singulières. Parmi elles, je cherche celles qui pourraient dialoguer harmonieusement. Je compose ensuite une scène. L’improvisation laisse place à la construction.

J’utilise souvent l’acrylique dans les premières étapes du travail puis des glacis à l’huile pour obtenir des vibrations douces. Je recherche des effets de lumière diffuse, des transparences subtiles qui me permettent de créer des atmosphères enveloppantes, propices à la rêverie ; une matière légère, délicate, où l’œil puisse se perdre et revenir à son rythme.

UNE TENSION FÉCONDE ENTRE PAYSAGE ET IMAGINAIRE

Dans l’histoire de la peinture, la grande tradition du paysage et la veine de l’imaginaire ont toujours coexisté, mais sans bénéficier du même statut : la première a été reconnue comme genre à part entière ; la seconde est restée plus en marge, portée par des figures singulières.

Les grands maîtres du paysage, dont l’ambition était surtout d’élever ce genre, longtemps jugé mineur, au même rang que les sujets alors considérés comme les plus nobles, tels que la peinture d’histoire ou le portrait, n’ont pas peuplé leurs toiles de créatures fabuleuses.

Chez les peintres de l’imaginaire – que l’on pense à Jérôme Bosch et Bruegel l’Ancien, aux Symbolistes Gustave Moreau ou Odilon Redon, à Marc Chagall, à certaines figures du Surréalisme mexicain comme Leonora Carrington et Remedios Varo, ou enfin aux Réalistes fantastiques tels que Claude Verlinde et Bernard Louédin – les deux esthétiques ont pu se rencontrer, mais le paysage n’est bien souvent resté qu’un cadre narratif ou un décor, pour des créatures fantastiques qui portaient l’essentiel de la charge symbolique.

Ma démarche vise à franchir un pas supplémentaire : je souhaite accorder aux deux esthétiques une égale importance picturale. Je peins chaque paysage pour qu’il existe en lui-même mais je le conçois aussi comme un écrin vivant pour mes personnages, travaillés avec la même attention et le même soin que les éléments naturels.

Parce qu’ils sont placés sur un pied d’égalité dans mon œuvre, paysage et bestiaire se fondent et se confondent.

La nature ne se contente pas d’accueillir : elle dialogue avec les créatures qui l’habitent ; elle vit, respire, s’anthropomorphise. La lumière, vivante elle aussi, guide le regard, suggère des présences. Mes personnages ne sont quant à eux jamais plaqués sur la toile. Je cherche à éviter tout effet de collage ou de superposition. Bien que stylisés, ils paraissent habiter naturellement le monde qu’ils traversent. Cette harmonie exige de porter une attention constante aux ombres, aux reflets, aux correspondances chromatiques et formelles. Mon ambition est que tout ce qui apparaît dans le tableau – lumière, végétation, êtres fabuleux – émane d’une même source créatrice. Il ne s’agit pas de juxtaposer le réel et le rêve, mais de montrer que le rêve est contenu dans le réel, comme une vibration secrète qu’il s’agit de révéler.

UN UNIVERS SINGULIER, À LA CROISÉE DES INFLUENCES

Je peins des mondes qui n’existent pas mais auxquels je crois profondément. Des mondes où la lumière apaise, où les formes s’accordent, où la nature veille, patiente et bienveillante. Il ne s’agit pas d’une fuite en avant : mes tableaux ne cherchent pas à séduire par une beauté superficielle. Ils proposent des espaces où la douceur se double toujours d’une profondeur évocatrice.

Cette dimension entre en résonance avec plusieurs courants de l’histoire de l’art.

Je rejoins les Romantiques par l’importance accordée aux éléments naturels et aux états intérieurs. Dans mes œuvres, la nature interagit presque toujours avec les figures imaginaires qu’elle abrite, se faisant l’écho de leurs émotions, de leurs élans, de leurs vibrations et frémissements. Cependant, là où les Romantiques cultivaient la tension tragique – ciels, mers, forêts, ruines exprimaient volontiers chez eux la mélancolie, l’infini et l’angoisse – je privilégie la rêverie, la tendresse et la joie.

Je me rapproche aussi du Symbolisme par la multitude de métaphores visuelles qui peuplent mes œuvres. Mais là où les peintres symbolistes convoquaient une iconographie codée, héritée de la tradition biblique ou mythologique, et dont la pleine compréhension supposait une initiation, mon langage iconographique est personnel, dégagé de toute référence populaire ou savante. Mes figures, inédites, sont issues d’un monde intérieur qui échappe à toute imagerie convenue, loin des stéréotypes de la Fantasy ou du Pop Surréalisme. Parallèlement, elles ne requièrent aucune clé préalable pour être comprises, laissant à chacun la possibilité de les lire à sa manière.

Certains verront peut-être dans mes créatures stylisées un écho à l’art naïf. Pourtant, mon exigence technique me situe ailleurs. Croire que ma peinture relève d’une forme d’art enfantin serait une erreur qui reviendrait à confondre le regard de l’enfant avec l’enfance elle-même. J’ai aimé devenir adulte : ma recherche technique, mon exigence formelle viennent de là. Je refuse simplement de renoncer au regard clair, vif et innocent, qui sait encore s’émouvoir devant un oiseau qui passe ou un rayon de lumière qui traverse un nuage. Je veux préserver et transmettre cette capacité d’émerveillement, de curiosité et de tendresse que l’on a parfois tendance à perdre en grandissant.

Avec le Surréalisme, je partage un intérêt pour l’inattendu, pour le surgissement de formes issues du geste automatique ainsi qu’une certaine ouverture à l’inconscient. Mais je m’en écarte profondément par mon intention. Là où Salvador Dalí, René Magritte ou Max Ernst cherchaient souvent à déstabiliser ou à rompre la logique du réel, mon univers ne cultive ni l’absurde ni le choc. L’intégration douce du merveilleux dans mes œuvres produit un effet d’apaisement, très éloigné du trouble ou du malaise suscités par la provocation ou la subversion surréalistes. Je me sens plus proche du Surréalisme onirique incarné par Leonora Carrington et Remedios Varo, moins tournées vers le scandale que vers le déploiement de mythologies personnelles.

Enfin, mon art peut évoquer le Réalisme fantastique par son goût de la précision formelle. Mais là où les représentants de ce courant poussent parfois le détail jusqu’à l’hyperréalisme, mon travail se distingue par une plus grande souplesse de traitement : textures, reflets et lumière, se répondent pour créer une atmosphère sensible où la virtuosité se devine plutôt qu’elle ne s’affiche. Par ailleurs, tel qu’on le retrouve chez des peintres comme Claude Verlinde ou Bernard Louédin, le Réalisme fantastique mobilise un imaginaire allégorique où chaque figure apparaît comme l’incarnation d’une idée. Il s’agit d’un art souvent construit pour être déchiffré, où l’étrangeté sert une lecture intellectuelle voire philosophique. Ma peinture, elle, ne cherche pas à illustrer des concepts. Les créatures qui habitent mes univers ne représentent rien d’autre qu’elles-mêmes. Elles recèlent toutefois un pouvoir suggestif que chacun peut laisser résonner en soi.

UNE PEINTURE COMME ACTE DE RÉSISTANCE ESTHÉTIQUE

C’est dans le dialogue constant entre liberté imaginative et rigueur formelle que se construit mon univers pictural. Il reflète ma vision de l’art : un espace d’harmonie et d’émerveillement, capable de faire du bien à l’âme. Dans un paysage artistique souvent dominé par le cynisme et la provocation, le conceptualisme ou la déconstruction, je choisis une autre voie : celle de l’espérance et de la beauté comme actes de résistance. Le rôle de l’artiste n’est pas de secouer le public, mais de lui offrir ce que le monde, devenu trop dur, ne lui donne plus : des moments de joie pure.

Je peins loin du bruit et du tumulte des modes, avec la conviction que l’art, lorsqu’il se donne avec sincérité et générosité, peut trouver sa place dans la mémoire collective. Mon ambition est de bâtir une œuvre patiente, exigeante, qui puisse un jour être reconnue comme une contribution singulière à l’histoire de l’art. Je crois profondément que la poésie – comprise comme ce qui nous relie au rêve, à la beauté et à l’émotion partagée – a sa place dans notre héritage commun, et que chaque œuvre qui touche, nourrit, élève ou réenchante, mérite d’être préservée et transmise.

Disciplines Peinture
Sujet
Techniques Acrylique, Huile
Support et matériaux Bois, Carton, Toile
Tendances
Code postal 92320
Ville Châtillon
Région Île-de-France
Numéro de téléphone
Site web https://www.instagram.com/pauly.emilie
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